Rappelons que chaque jour des dizaines, voire des centaines de personnes perdent la vie en essayant de rejoindre les rives européennes ; ils et elles sont des dizaines de milliers à avoir péris ces dernières décennies en mer Méditerranée. Le double discours de l’UE, qui s’empresse de dénoncer toute atteinte aux droits de l’Homme là où cela l’arrange, devient un silence étourdissant alors qu’il s’agit de son territoire.
L’incendie de Moria, où vivaient plus de 12.000 personnes, a remis sur le devant de la scène les conséquences et échecs de cette non-politique UE :
L’enfermement systématique des migrants arrivés en Europe, au mépris du droit de circuler et de ne pas être enfermés sans motifs ;
Les défaillances administratives pour traiter les dossiers qui engorgent les camps et laissent les gens dans une attente interminable ;
L’échec de la relocalisation des demandeur.euse.s d’asile, laissant tout le poids de la gestion à quelques pays de l’UE (Grèce ou Italie notamment)
Cette politique qui nie toute solution aux personnes demandant refuge, crée surtout l’illégalité qu’elle prétend combattre. En effet, quelle meilleure solution pour les éxilé.e.s qui le peuvent de se débrouiller hors de cette gestion kafkaïenne made in UE ? Ces centaines et milliers de nouveaux sans-papiers viendront ainsi nourrir l’armée de main d’œuvre semi-esclave si prisée de certains patrons et des fossoyeurs du droit du travail et de la sécurité sociale.
Alors que faire ?
Encore renforcer la répression aux frontières ? Interdire le sauvetage des gens qui se noient ? Interdire aux bateaux qui le font d’accoster dans les ports européens ? Utiliser satellites ou drones pour stopper le flux de migrant.e.s ? Peine perdue, démagogie !
L’expérience montre que rendre la traversée plus difficile ne dissuade personne de tenter sa chance ; les seules conséquences palpables de cette politique sont plus de morts aux frontières et plus d’argents pour les maffieux et pour le secteur militaro-industriel qui se gave des subventions pour gérer les frontières dites intelligentes.
Il faut accepter cette réalité : tant que la situation mondiale est ce qu’elle est, faite d’injustices sociales et de violences inacceptables, des millions de personnes migreront pour se rendre là où la vie semble plus acceptable.
Une Europe décente s’attaquerait à la racine de ce problème, en démantelant les mécanismes qui transfèrent la richesse des pays du Sud vers les centres du Nord, à travers l’accaparement des ressources par les entreprises multinationales, l’imposition de politiques néolibérales par les institutions internationales ou les réseaux politiques de corruption.
En attendant – et sans notre engagement résolu nous attendrons longtemps – le devoir de tout état est de protéger la vie. A défaut, l’inhumanité engendrée par une politique qui s’accommode de la mort, nous plongera, cette fois toutes et tous, dans de nouvelles heures sombres pour un continent européen qui en a déjà trop connues.
28 septembre 2020
Le 23 septembre 2020 la Commission Européenne a présenté son « Nouveau pacte pour l’asile et la migration ». Malgré son nom, ce pacte s’inscrit dans la continuité de la politique européenne actuelle ; si l’on connait bien le refrain du renforcement des frontières extérieures, réitéré pour l’occasion, l’ « effectivité » des procédures d’asile risque bien, elle, de se traduire par un filtrage renforcé des demandes, une plus grande utilisation des outils de contrôle (comme Eurodac, la base de données des empruntes digitales) et des délais de recours raccourci, le tout à l’encontre du droit des personnes à bénéficier de procédures correctes…
En ce qui concerne la nouvelle « solidarité européenne », il est peu probable donc que les pays qui aujourd’hui refusent d’accueillir tout demandeur d’asile supplémentaire changent d’avis. Les états auront en effet 2 autres options pour « soutenir » un pays en difficulté : « parrainer » et donc financer et assurer l’expulsion des personnes déboutées ou mettre à disposition financements, ressources matérielles ou humaines pour des opérations de soutien au pays en difficulté.
En ce qui concerne les « voies légales d’immigration », l’optique reste celle d’attirer les seuls « talents » pour renforcer la compétitivité du continent européen : cela continue de s’apparenter à une fuite de cerveaux organisée au bénéfice des entreprises européenne, et au détriment des pays pourvoyeurs...
Finalement, les « partenariats internationaux » seront encore un peu plus instrumentalisés pour répondre aux exigences migratoires de l’Union Européenne.
Si les conséquences sur le terrain de ce nouveau « pacte » doivent encore être évaluées en détail, les fondements de la politique migratoire européenne restent inchangés ; militarisation et externalisation des frontières, gestion managériale des procédures et utilitarisme économique.
En conséquence, Alter Summit demande :
Une politique de sauvetage réel des migrant.e.s en mer et l’arrêt des entraves faites à celles et ceux qui le font ;
Un accueil digne et ouvert (non à l’enfermement et aux hot spots), une procédure effective mais surtout juste (accès à la procédure, délais de recours acceptable, présence des associations, élargissement des critères d’asile aux nouvelles réalités, changement climatique, orientation sexuelle, etc…) ;
L’ouverture de véritable canaux d’immigration légale : étude, travail, humanitaire, santé, etc… ainsi que la régularisation des sans-papiers présent.e.s en Europe, avec l’obligation de l’égalité des droits économiques et sociaux pour toutes et tous afin d’éviter le dumping social ;
Le changement des politiques commerciales et de coopération pour faire cesser le pillage et la déstabilisation des pays du « Sud Global ».